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Liberation 2 août 2012

mercredi 15 août 2012, par lgp

THÉÂTRE

Mimos en mouvement
2 août 2010

CRITIQUE
Déambulation . Grue, échafaudages et panier salade géant… le festival de Périgueux fête ses 30 ans.

Par MARIE-CHRISTINE VERNAY Envoyée spéciale à Périgueux

Pour fêter ses 30 ans, le festival Mimos dédié au mime et plus largement aux arts du mouvement s’est ouvert avec une compagnie du même âge, Transe Express, installée à Crest dans la Drôme, qui tourne dans le monde entier avec une vingtaine de spectacles à son actif. Pionniers du théâtre de rue dans les années 70, automates et bonimenteurs, Brigitte Burdin et Gilles Rhode ont vite constaté que l’essentiel était de se faire voir et entendre. Le spectacle Maudits Sonnants qu’ils ont recréé pour Mimos ne manque en effet pas d’envergure. Hissé par une énorme grue, une structure aérienne qui supporte les poids de huit musiciens et leurs instruments percussifs, de trois trapézistes et d’un carillonneur, genre Quasimodo, accroché à sa cloche, s’élance dans le ciel à 40 mètres de hauteur. Tel un mobile de Calder, c’est alors un manège enchanté qui emporte ses fées et amuseurs moyenâgeux aux costumes délirants. Quant au concert de cloches, on ne saurait passer à côté, tant il résonne au-dessus de la foule ébaubie. S’ouvrant et se refermant, la structure est comme une fleur qui palpite, tantôt gardant ses secrets autour d’une communauté d’artistes soudée, tantôt répandant ses couleurs lunaires presque froides pour contraster avec les torches qui éclairent les dispositifs au sol.

Timbales.
Dire que cette idée est née dans la tête du scénographe Gilles Rhode lorsqu’il pensa à un panier à secouer la salade (« ceux qu’on avait au camping ») est plutôt amusant lorsque l’on mesure l’envergure d’un propos… qui n’a pas pour unique ambition d’épater la galerie. Les musiques percussives des timbales, des cloches altos, sopranos, du bourdon, émanent du carrousel comme d’une fanfare. Elles tintent sans tintamarre.

Cette troupe des Maudits Sonnants n’est pas la seule à vouloir transfigurer la rue. Un autre groupe de joyeux drilles fanfaronne pendant tout le festival dans Périgueux. Ce sont Les Grandes Personnes de Boromo, une compagnie burkinabé née en 2001, suite à la rencontre d’artistes locaux avec les Grandes Personnes d’Aubervilliers. Basée à Boromo, ville de 12 000 habitants, la compagnie réunit une trentaine de membres variés, agriculteurs, forgerons, peintres, tailleurs, musiciens, danseurs et plus important encore, d’ethnies différentes.

Bois sacré.
C’est ce mélange qui fait la richesse culturelle de ces Grandes Personnes, marionnettes géantes de 5 à 6 mètres de haut, mais très légères. Fabriquées sur place par les sculpteurs sur bois qui utilisent le papier mâché ou le bois sacré pour les masques, elles intègrent bien d’autres matériaux de récupération : bouteilles de plastique, paniers, calebasses, chambres à air… Entraînée par le comédien Boniface Kagambega, un des créateurs du très pertinent festival Rendez-vous chez nous (au Burkina), qui pousse ici la sono dans un cadi, deux couples, l’un âgé, l’autre jeune, marquent les rythmes sur les chants des griots. Les marionnettes ondulent au-dessus de la tête des manipulateurs qui agitent les longs bras par un système de barres. Le cortège peut s’ébranler, faire peur aux enfants quand une main tente de les attraper. Chaque personnage est défini jusqu’au moindre détail, des cheveux blancs du sérieux grand-père à la boucle d’oreille en étoile bleue de la jeune femme. On ne peut plus humaines et tendres sont ces têtes de nègres bien plus délicieuses que celles des pâtisseries.

C’est aussi du haut d’un échafaudage que les ouvriers de Tête de pioche jaugent leur chantier interdit au public, démarré au pied de l’hôtel de ville. Clowns, cascadeurs, Thierry Abline et Martin Boucherie de la compagnie Heyoka Théâtre enchaînent gags et catastrophes. Ils manient la pelle, la pioche, la brouette, les briques avec une dextérité sans pareille. Outre les traditionnels jeux de planches si chers à Laurel et Hardy, le tandem ajoute un flot de gags personnels, tel celui d’un sac de ciment qui s’envole dans le public. Outre le fait que les deux protagonistes sont vraiment de bons comiques, cette Tête de Pioche est aussi l’occasion d’une satire sur les professionnels du bâtiment, moquant sans mépris le folklore qui entoure les travaux publics, de la tenue (la salopette) à la pause sacrée avec bière.